PARIS; Mai 1988

Ils étaient deux, amants éperdus, victime des flèches de Cupidon, ils étaient l'homme et la femme, tels Adam et Eve au jardin d'Eden, ils ont croqué le fruit défendu. Ils étaient fiancés, en couple et bientôt ils célébreraient leur mariage, bientôt ils seront une famille à eux deux, ils le savaient, il ne restaient plus qu'une quinzaine de jours afin de pouvoir aisément savourer le plaisir de la chair, un plaisir qu'ils avaient déjà entamé, trois mois plus tôt, ils étaient promis l'un à l'autre après tout, qui le verrait, c'est ce qu'ils se sont dis, oui, qui le verrait?

Deux jours avant le mariage, il est temps de préparer la robe et le costume, l'excitation est à son comble, oui, bientôt ils seraient cette famille tant désiré, bientôt ils vivraient ensemble pour de bon. Il était diplomate, il avait près de trente cinq ans et elle était une jeune étudiante d'à peine dix-huit ans, elle l'aimait à n'en plus finir et c'était ainsi la beauté des choses. « Liane cette robe est beaucoup trop petite ! » Elle était surprise, touchait son ventre, est-ce l'absence involontaire de règles qui l'avait déboussolée? « Sers plus fort, je dois rentrer dedans ! » Elle espérait simplement être ballonnée mais c'était trop tard, le mal était fait « Tu ne serais pas enceinte Liane? » Surprise, ce mot ne lui était jamais venue à l'idée, non, elle n'avait pas le droit d'être enceinte, elle ne pouvait pas « Ce n'est pas possible, je suis encore vierge ! » Mais savait-elle simplement ce que voulait dire vierge, surement pas parce que déjà dans son ventre grandissaient trois adorables poupées.



PARIS; Novembre 1988

« Pousses Liane tu vas y arriver ! » « BORDEL FERMES LA BEN ! FERMES LA C'EST PAS TOI QUI ACCOUCHE ! » Elles arrivaient, à terme, les trois poupées de Liane allaient faire de ce couple un bonheur sans fondement, oui, tout le monde pensait qu'elles avaient été conçues le soir du mariage, qu'elles seraient simplement prématurées, chose des plus normale pour des triplettes, mais finalement, elles étaient trois magnifiques bébés qui feraient souffrir leur mère. « Vite nous avons un problème ! Sortez Monsieur ! » « Quoi, qu'est ce qui se passe? Mes filles ! Elle pleurait déjà, cette fois ci d'une tristesse inconsolable, elle ne poussait plus, on allait lui ouvrir le ventre, endormie, elle n'entendit pas les cries de sa première fille née, ni même de la deuxième, elle n'entendit pas la réaction des médecins lorsque la troisième sorti, ils l'enveloppèrent et elle pu entendre « Date du décès : 7 novembre 1988 à 5h35 » Elle sombrait dans ce cocon moelleux et elle se laissait aller, elle n'ouvrit les yeux que dix heures plus tard. Elle était dans une chambre aux côtés de son époux qui lui souriait faiblement, elle ne voulait pas y croire alors qu'elle se rendormie, elle avait perdu ses enfants, elle n'y pouvait plus rien. Pourtant, il eu fallu ouvrir les yeux, le médecin se trouvait là et lui annonça la tragédie « Nous sommes désolés de vous apprendre que l'une de vos filles est décédée, elle ne s'est pas développée comme il fallait ... » La tristesse l'envahit, elle replongeait rapidement dans une léthargie nouvelle. Elle devait avoir trois filles, Aeris, Ambre et Eryn pourtant, la vie en a décidé autrement, elle n'aurait donc que deux filles, en mémoire à son enfant mort née, elle prénomma ses jumelles Aeris Eryn et Ambre Eryn Grimes ...


NEW YORK; Janvier 1992

« Aeris est un bébé, Aeris est un bébé, elle a peur des avions, Aeris est un bébé » Elle chantait à tue tête, je n'y pouvais plus rien faire, elle m'énervait et j'avais envie de la gifler, je me tenais les oreilles, m'accroupissait au sol et hurlais « Je ne t'entends pas ! » Elle s'approchait de moi, tirant l'une de mes mains et me fit tomber « J'ai dis que tu étais qu'UN SALE BEBE ! » Elle s'en allait riant à plein poumon tendit que déjà les larmes coulaient sur mon visage d'enfant, un visage noirci par mes recherche scientifique et le sauvetage commun des vers-de-terre. Nous avions quatre ans, nous étions soeurs jumelles mais déjà tout nous séparait. J'étais aventurière et naturelle, j'aimais m'occuper des animaux à l'oreille desquels je parlais, elle aimait se sentir belle, se coiffer et prendre le bain, sentir bon et jouer avec ses Barbies enfermée dans la salle de jeux.

Notre père était diplomate, nous avions voyagé beaucoup durant notre enfance, de Paris à Hong Kong en passant par Pékin et New York ou même Singapour, à quatre ans, nous avions déjà vécu dans deux pays différents, nous nous sentions reines du monde, observatrice de tout temps et de toute saison, nous étions des princesses.

MOSCOU; Novembre 1998

« Je suis une princesse et tu n'es rien qu'autre qu'une folle ! » Nous en étions arrivé là. Âgées toutes les deux de près de dix ans, nous ne nous supportions plus. Nous étions tellement différentes que nous ne nous comprenions pas. Elle était belle et populaire, elle aimait se montrer auprès des garçons alors que j'étais cette petite sauvage aux cheveux décoiffés, elle était belle et ravissante et le serait un peu plus, j'en étais certaine, j'en étais jalouse de son affection envers notre mère, j'en étais jalouse de ces paroles que je récoltais « Aeris tu es une sale crapette, on ne ferait pas la différence entre toi et un clochard de cent ans d'âge !» « Arrêtes ! Tu es méchante Ambre je te déteste ! » Je me jetais sur elle. « J'aimerais ne jamais avoir eu de soeur !! » « AERIS ! Comment peux tu dire ça ! Comment oses-tu ! » J'étais la mal aimée, on ne me comprenait pas, j'étais seule et désespérée. Mes seuls moments de bonheur étaient partagés avec mon père bien trop absent.

« Happy Birthday to you, Happy Birthday to you Aeris et Ambre ! » nous étions le 7 novembre 1998, il faisait -30°C à l'extérieur et nous venions d'avoir dix ans. Ambre et moi étions heureuses, chaque anniversaire était signe d'une joie immense. Ma soeur s'est alors retournée vers moi et nous avons enlacé nos petits doigts, nous promettant « Je jure d'être toujours ta soeur, de t'aimer malgré tes différences et de faire passer quiconque après toi. Tu es ma vie, mon sang et jamais nous ne pourrons vivre sans l'autre » Nous étions soeurs et nous le savions, notre force résiderait là dedans, nous le sentions ce jour là.


PARIS; Septembre 2005

Nous étions rentrées chez nous, voilà près de douze ans que nous n'avions pas mis les pieds à Paris et dieu que c'était bon de se sentir chez soit, de revoir ses grands parents, ses cousins, cousines, d'admirer le paysage français et surtout, d'entendre notre langue parlé avec brio. Nous avions eu le droit aux "qu'est ce qu'elles ont grandi, qu'est ce qu'elles sont belles ... Oui nous avions grandis, nous avions quitté le domicile familiale à l'âge de quatre ans pour n'en revenir qu'âgée de seize ans ... Nous étions deux jeunes femmes pleines de vie et amoureuse l'une de l'autre, depuis nos dix ans, nous ne nous étions plus jamais séparée et nous avions été plus forte l'une avec l'autre. Ambre m'avait aidé à devenir plus féminine et je lui avais appris à aimer la nature, nous n'abusions pas des bonnes choses et aimions nous retrouver dans le même lit, le soir, pour nous raconter des histoires.

« J'ai rencontré un garçon » « Moi aussi »« Il est merveilleux, beau et romantique, j'avais oublié comme les français pouvaient être si beaux » « A quatre ans on peut dire qu'un garçon est beau ? » Nous pouffions de rire et nous parlions chacun de notre amour, ce garçon rencontré lors de la rentrée, sans même savoir que nous avions des vues sur le même homme ... Il était dans notre classe, il était le garçon le plus populaire et jamais il ne ferait attention à moi, c'était ainsi alors je me suis retirée pourtant ... « Tu m'abandonnes Ambre ! Tu préfères forniquer avec ce gars plutôt que d'être avec moi ! » « Grandis Aeris ! Ce n'est pas bon cette liaison que nous avons ! » « Il t'a monté la tête contre moi ! Je te déteste !! Je vous déteste tous les deux ! » Nous avions grandi et l'amour était plus fort que la liaison qui nous unissait Ambre et moi, c'était ainsi mais jamais je ne lui avais pardonné, jusqu'alors ... J'étais jalouse de ce garçon, jalouse d'Ambre qui récoltait les meilleures choses dans la vie, je suis alors entrée dans une dépression profonde ...


LONDRES; Novembre 2008

« Pourquoi tu as fais ça? » « Fais ça quoi? » « Pourquoi tu es devenue anorexique Aeris? » « Parce que tu ne m'aimes plus » « Je t'aimerais jusqu'à la mort, même si un garçon viens dans ma vie » « Mais c'est avec lui que tu fais l'amour » « Je t'aime Aeris » « Moi aussi je t'aime Ambre »

Nous avions à présent vingt ans, j'étais entrée durant plus de quatre ans dans une dépression grandissante, n'ayant plus le gout de rien, j'ai même cessé de manger, des appels à l'aide que je lui ai envoyé et qu'elle a tardé à voir, bien trop aveuglé par cet homme qui était entré dans sa vie, cet homme qu'elle aura finalement abandonné pour sa soeur, non sans peine, non sans amertume pour sa jumelle. Nous avions un but commun : sortir de cette ville, de cette vie et nous enfuir toutes les deux.

« Quand tu iras mieux, nous partirons toutes les deux pour une île plein de soleil » « Et tu ne m'abandonneras plus jamais? » « Non plus jamais » « Fais moi la même promesse qu'il y a dix ans » « Je jure d'être toujours ta soeur, de t'aimer malgré tes différences et de faire passer quiconque après toi. Tu es ma vie, mon sang et jamais nous ne pourrons vivre sans l'autre »


FAIRWAY; Décembre 2010

Voilà un peu plus d'un an que nous sommes à Fairway, arrivée en septembre 2009, nous ne nous sommes plus jamais quitté, nous avons pris un appartement toutes les deux et nous avons trouvé un travail. Nous sommes heureuse ainsi mais l'arrivée du business va une nouvelle fois nous séparer ... L'une est pour, l'autre contre ... Je fais partie de la dernière nouveauté et puis, je suis devenue ce que l'on appelle à part entière une hippie, aimant la nature, je suis loin de la Fashion Victime qu'est Ambre, mais nous nous aimons. Ses baisers, je les aime, tout comme elle. Oui, je suis jalouse de chaque garçon qui l'approche mais je sais que je ne peux faire ma vie entièrement avec elle alors j'attends ce jour où nous devrons nous séparer pour créer nos vies, chacune de notre côté, je n'ai pas hâte à vrai dire ...
Je milite aujourd'hui pour faire connaitre nos droits et notre pensée, non, nous ne voulons pas voir changer Fairway ...