Je vous l'accorde sans concession, ma vie était aujourd'hui loin d'être celle que j'avais jamais vécu à New York. Lorsque l'on me voyait, ainsi vêtu de manière si dépareillée, il était inconcevable d'imaginer que je puisse avoir été un jour un avocat de renom. Pourtant, les choses avaient changé. Il était loin le temps où je courrai les tribunaux à gauche à droite et où je défendais corps et âmes des enfants qui avaient été détournés. Peu importe, j'avais décidé de changer de vie, de bouleverser les choses car je ne me sentais plus à ma place dans mes baskets à New York. Certes, ma vie était à ce moment là des plus agréables, j'avais énormément de chance, j'étais entouré d'une équipe fabuleuse et j'avais des amis en or. Kentwood me manquait à l'époque, c'était l'évidence même mais peu à peu, j'avais réussi à gagner la confiance de mes pairs et réalisais petit petit à mon propre rêve américain. Et puis, j'avais rencontré Kenaël, et ce détail n'était pas négligeable. Et c'était là tous les ingrédients qui faisaient que ma vie était à l'époque parfaitement réussie et qui laissaient mes amis dans le doute quant à mon envie de tout laisser tomber pour retourner vivre auprès de ma famille, à Kentwood. Parfois, la vie mettait en travers de votre chemin certains obstacles qui ne nous donnaient pas d'autre choix que la fuite improvisée... Quant aux conséquences de cette dernière, il s'agissait parfois de serrer les poings pour les surmonter.

La vie à Fairway était paisible, douce et calme. La vie à Fairway n'était pas agitée, elle était simple surtout, c'était là l'essentiel de ce que j'avais toujours recherché dans mon exil. J'avais, à l'époque, fait une courte escale par Kentwood pour retrouver la confortable sensation d'être à sa place, d'être chez soit. Peu de temps après, j'avais entendu parler de cette île paisible où le temps restait figé, où la vie était tout sauf bercée par la technologie. Je m'y étais très vite résolu, c'était la solution que je cherchais. Voilà pourquoi, depuis quelque mois, je menais une existence ici tout ce qu'il y avait de plus convenable. Quelque mois que les gens ici m'avaient accueillis de manière tout à fait chaleureuse et adorable. J'étais heureux, j'étais comblé finalement. Même si au fond de moi, quelque chose me manquait depuis mon départ de New York, quelque chose qui m'avait forcé à fuir, qui m'avait forcé à trouver ailleurs la paix que je n'avais pas chez moi. Fairway... c'était ma renaissance ! Et ce jour là, je m'étais préparé sans imaginer une seule seconde que mon passé me rattrape, une nouvelle fois. Je cachais de lourds secrets depuis toujours, si j'avais quitté ma famille pour m'installer à New York, ce n'était pas innocent ni anodin. Et à chaque fois, mes vieux démons revenaient pourrir ma vie.

J'avais enfilé un débardeur blanc, le soleil était haut dans le ciel, le temps était bon. J'avais enfilé un short court, beige, et avais ensuite enfilé mes lunettes de soleil noires, avant de pousser la porte de ma villa, seules ruines d'une vie bercée par le luxe... à NYC ! J'avais besoin d'air, j'avais besoin de profiter d'une pareille journée. Les yeux perdus dans le vide, j'avais pris la direction du lac, de cet endroit charmant et paisible, serein et apaisant. J'adorais me promener, j'adorais marcher. La vie ici était géniale, la vie ici était agréable. J'étais perdu dans mes pensées lorsque soudainement, ma vie bascula, une nouvelle fois. Je ne me souvenais plus l'étrange sensation que m'avait produite la première fois où j'avais vu mon univers se bousculer devant moi, mais mon coeur vacilla, mes jambes flanchèrent et tout mon corps se mit à trembler. Je n'avais revu cet homme depuis longtemps et brusquement, par un jour de beau temps, sans crier gare... je le retrouvais, devant moi, planté là, stoïque, un sourire en esquisse, une expression trop familière. Les mains plantées dans les poches, je l'observais, de haut en bas. Je ne l'avais pas revu depuis des mois, je n'avais pas de ses nouvelles depuis des mois, et soudainement... il était là ! Les mots me manquaient, la respiration me brûlait l'œsophage, et tout me semblait à nouveau fragile, sensible. J'étais parti de chez moi dans le but de marcher, de soulager mon envie oppressante de prendre l'air, mais jamais... jamais je n'avais imaginé pouvoir retrouver Kenaël ici, à Fairway Island. Pourtant, dans cette surprise, j'y trouvais un goût exquis, délicieux même. Mais était-il revenu pour les mêmes raisons qui m'avaient, à l'époque, forcées à fuir ?

« Mais... Mais qu'est-ce que tu fais là ? »